C’est certainement plus symbolique qu’autre chose, et c’est passé plutôt inaperçu, mais, début mars 2023, la France a réussi à créer une alliance avec 10 autres pays européens avec pour objectif de promouvoir l’énergie nucléaire au niveau des négociations européennes.
« L’alliance du nucléaire » regroupe ainsi aux côtés de la France, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Hongrie, la Finlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. En parallèle, la Pologne a publié un document de travail pour promouvoir le nucléaire comme énergie essentielle afin de décarboner l’économie.
Même s’il manque à l’appel l’Allemagne et l’Italie qui sont les deux autres poids lourds européens, cela constitue une nouvelle substantielle. Au-delà de l’idée (indéniable pour certains ou discutable pour d’autres) que le nucléaire doit être un élément essentiel du mix énergétique européen dans les prochaines années, on entrevoit enfin la possibilité d’une coordination européenne.
Mais que cette coordination est difficile à construire !
La grande ambition des pays de l’UE est toujours de convenir d’un plan coordonné pour stimuler la compétitivité du continent. Voire de s’accorder sur un plan commun sur l’électricité.
Après la publication de la proposition de la Commission européenne le 14 mars pour réformer le marché de l’électricité, l’Allemagne élabore toujours sa position annonciatrice d’un conflit avec les pays réformateurs, comme la France et l’Espagne. Si la Commission propose de réformer le marché européen de l’électricité afin de répondre à plusieurs objectifs (accélération du déploiement des énergies renouvelables, protection contre la volatilité des prix), la défense du marché unique s’avère beaucoup plus facile à dire qu’à faire, comme le découvre actuellement la Communauté Européenne dans le monde post Brexit.
De plus la pression verte se fait sentir !
Car de l’autre côté de l’Atlantique on ne se pose ce genre de questions !
Toute la difficulté réside dans la gestion du contexte : celui du déluge de subventions du plan américain « Inflation Reduction Act » (IRA).
Le plan à hauteur de près de 400 milliards de dollars de Joe Biden a provoqué une réaction anxieuse chez les politiciens de l’UE qui craignent de voir l’immense majorité des investissements siphonnés par l’Amérique – voire par la Chine.
IRA est principalement axé sur le climat et les dépenses sociales puisqu’il prévoit plus de 430 milliards de dollars d’investissements, dont 370 milliards visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030.
Il s’agit du plus important effort des États-Unis dans ce domaine et la plupart des investisseurs verts qui hésitaient entre des investissements en Europe ou Outre-Atlantique se réfugient aujourd’hui vers des cieux fiscaux américains plus cléments et des aides aux développement en cascade.
Ces mesures inquiètent côté européen, car elles touchent les industries du Vieux Continent. Cette situation a poussé Bruxelles à présenter un plan de contre-attaque.
Mais l’Europe peut-elle vraiment répliquer ?
La question centrale reste toujours celle de la fragmentation !
Car le problème réside dans le fait de l’impossibilité pour Les États membres de l’Union européenne de faire financer plus facilement les investissements respectueux du climat sans pour autant désavantager ceux qui ne disposent pas d’une puissance fiscale suffisante.
À l’occasion du sommet européen il a été discuté la création d’un fonds souverain européen, susceptible de rivaliser avec les milliards injectés par Washington. Mais les Européens ont un mal fou à bâtir une stratégie comparable qui favoriserait le « made in Europe » !
Cette question est en train de devenir un sujet sensible au sein de la Commission et parmi les États membres, la contestation repose sur savoir jusqu’où assouplir les règles relatives aux aides d’État qui sous-tendent le marché unique.
Il s’agit également de savoir comment répondre aux demandes de pays tels que la France, qui souhaitent avoir le droit d’accorder des subventions équivalentes à celles versées par les États-Unis à leurs industries favorites.
Car la France est très isolée dans ce discours interventionniste et littéralement fait cavalier seul dans cette quête.
Paris a défini une approche maximaliste de tout cela, en jumelant ses appels à un assouplissement complet des règles en matière d’aides d’État avec une demande de création d’un nouveau fonds européen de grande envergure pour garantir que les États membres disposant de peu de ressources puissent également se permettre de subventionner la transition écologique.
Mais, même si l’Allemagne est ouverte à un assouplissement du régime des aides d’État, elle reste profondément sceptique quant à l’idée d’un nouvel emprunt commun.
Même pour Paris ce n’est pas tout à fait partie gagnée.
Le projet de loi sur l’énergie verte de 49,9 milliards, a été adopté avec une toute petite avance de deux douzaines de voix d’avance, et a été le résultat de semaines de querelles avec les partis d’opposition.
La nouvelle loi, qui vise à accélérer le déploiement des projets d’énergie renouvelable en réduisant les formalités administratives, n’a été adoptée qu’après avoir reçu le soutien de dernière minute du parti socialiste, portant le nombre de votes favorables à 286 voix contre 238.
Ainsi, en France comme en Europe, la coordination stratégique et environnementale ne sont pas du tout gagnées. Ainsi, la Pologne, grand pays du charbon, a en effet décidé de basculer elle-aussi dans le nucléaire. Pour cette décision qui constitue un pas essentiel pour le réchauffement climatique, le choix polonais s’est porté sur le groupe américain Westinghouse pour construire la première centrale nucléaire en 2033 et non sur EDF qui était candidat pour ce contrat d’un montant de 40 milliards de dollars.
Comme nous l’avons dit, le chemin est encore long.
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