And the winner is …
No B.S
Nous l’avions dit ici à plusieurs reprises, le gouvernement suisse avait offert un sacré cadeau en livrant sur un plateau le cadavre encore chaud de Credit Suisse à son concurrent zurichois UBS.
Mais le 31 août, UBS a encore plus assommé le marché en annonçant le plus gros bénéfice trimestriel jamais réalisé par une banque soit 29 milliards de dollars. L’action a d’ailleurs immédiatement bondi de 6% après cette annonce.
UBS a également mis fin à la ligne d’aide de 100 milliards de francs suisses offerte par la Banque Nationale Suisse au plus fort des turbulences du printemps qui avaient abouti au rachat du Credit Suisse.
Depuis qu’elle a accepté de sauver le Credit Suisse en mars, l’action UBS a augmenté de près de 40 %. Les actions UBS ont atteint jeudi matin leur plus haut niveau depuis 2008 …
Goodwill
Le précédent bénéfice bancaire trimestriel le plus élevé était de 14,3 milliards de dollars, enregistré par JPMorgan au début de l’année 2021. On est donc ici au plus du double … D’ailleurs si on exclut le gain comptable, UBS a toutefois enregistré un bénéfice avant impôts de 1,1 milliard de dollars pour le trimestre.
Car effectivement le gain est un gain comptable, mais c’est quand même une énorme brique et on peut se demander qui sont les perdants de l’autre côté du ring (en fait nous le savons et nous y reviendrons plus tard).
Rappelons que UBS avait « accepté » de sauver son rival en difficulté le 19 mars 2023 en rachetant le Credit Suisse pour 3 milliards de francs suisses dans le cadre d’une transaction boursière négociée par le gouvernement suisse et FINMA (Autorité Suisse de surveillance des marchés financiers).
Rappelons aussi que la BNS (Banque Nationale Suisse) avait soutenu l’opération en fournissant 100 milliards de francs suisses de liquidités à UBS à la suite de la reprise des activités du Credit Suisse et qu’en outre, 16 milliards de francs suisses d’obligations Coco Additional Tier 1 (AT1) avaient alors été ramenés à zéro par les autorités monétaires suisses (les voilà les perdants !).
Ce bénéfice record de 29 milliards de dollars avant impôts annoncé le 31 août est presque entièrement dû à la plus-value comptable qu’elle a enregistrée sur le rachat de 3,4 milliards de dollars.
Ce gain comptable est connu sous le nom de « goodwill négatif ».
Il reflète la différence entre la valeur des actifs du Credit Suisse dans ses livres et le prix (très inférieur) payé par UBS pour les acquérir. Les 29 milliards représentent donc l’écart entre le prix consenti pour l’acquisition de Credit Suisse et la valeur intrinsèque de la banque helvétique, compte tenu de la reprise des actifs à risques de cette dernière, estimés à 238 milliards.
On peut se demander si UBS aurait dû payer beaucoup plus pour cette acquisition mais il faut se rappeler que d’une part UBS avait dans un premier temps proposé beaucoup moins (le quart de la transaction finale), et que l’affaire s’est faite le temps d’un week-end.
Le scandale des AT1
Évidemment, si les 16 milliards d’obligations étaient encore dans le bilan d’UBS le résultat aurait été très différent et la spécificité suisse des AT1 a grandement favorisé la banque zurichoise.
En effet, dans le cadre de la reprise, le régulateur suisse avait déclaré que 16 milliards de francs suisses de la dette Additional Tier 1 (AT1) du prêteur seraient ramenés à zéro, alors que les actionnaires recevraient une certaine compensation.
La décision de donner la priorité aux actionnaires plutôt qu’aux détenteurs d’obligations AT1 avait ébranlé le marché des obligations AT1.
La spécificité suisse venait du fait que les AT1 émis par le Credit Suisse prévoient contractuellement qu’ils pouvaient être complétement effacés si une aide publique extraordinaire était accordée. La banque ayant reçu des prêts d’aide extraordinaire à la liquidité garantis par une garantie de défaillance de la Confédération le 19 mars 2023, ces conditions contractuelles étaient remplies pour les instruments AT1 émis par la banque. Il faut donc apprendre à lire les petites lignes à la fin des contrats.
La fusion – disparition
Tout cela serait assez joyeux si dans le même communiqué qui annonçait ces chiffres géants, UBS n’avait pas déclaré qu’il poursuivrait l’absorption des activités nationales de Credit Suisse, malgré l’opposition locale et politique à un accord qui devrait entraîner des milliers de suppressions d’emplois et de fermetures de succursales.
UBS, qui fonctionne depuis la fusion forcée mi-mars avec deux sociétés-mères indépendantes UBS AG et Credit Suisse AG, a ainsi déjà identifié dans l’immédiat 1 000 doublons de postes en Suisse liés à l’intégration de Credit Suisse et 2 000 supplémentaires dans les prochaines années.
La banque a ainsi déclaré que les activités nationales de Credit Suisse seraient légalement combinées avec UBS l’année prochaine. UBS a également annoncé qu’elle prévoyait d’avoir achevé en grande partie l’intégration du groupe Credit Suisse d’ici à 2026, date à laquelle elle entend avoir réduit ses coûts d’au moins 10 milliards de dollars.
La décision d’UBS d’absorber les activités nationales du Credit Suisse et d’abandonner progressivement la marque de la banque, vieille de 167 ans, a été l’un des aspects les plus controversés de ce rachat.
Sergio Ermotti, directeur général d’UBS déclarait ainsi jeudi. « Notre analyse montre clairement que l’intégration complète est la meilleure solution pour UBS, nos partenaires et l’économie suisse ». Il a en outre déclaré qu’UBS prévoyait de procéder à 3 000 licenciements en Suisse au cours des prochaines années, bien que la plupart des pertes d’emploi soient dues à des départs à la retraite ou à des départs non remplacés.
Bien entendu, du côté des associations patronales suisses, l’annonce est plutôt bien passée :
Formations que vous pouvez suivre pour aller plus loin :
Finance de marché@ESCP Business School
ALM 1 : fondamentaux de la gestion actif / passif bancaire
ALM2 : outils et pratiques avancés de la gestion actif / passif bancaire
Analyse crédit des institutions financières
Culture bancaire – vidéo learning
qui pourraient vous intéresser