L’augmentation des taux d’intérêt va avoir plusieurs impacts sur la distribution de financements hypothécaires, comme sur le marché immobilier dans l’hexagone.
Je vous propose une analyse en 3 points :
- L’impact de la hausse des taux en termes de maîtrise du risque et de la rentabilité pour les établissements bancaires,
- L’impact de la hausse des taux en termes de capacité d’emprunt pour les ménages en adéquation avec les contraintes HCSF (Haut conseil de Stabilité Financière), devenues juridiquement contraignantes l’année dernière,
- Et enfin l’impact de la hausse des taux sur le marché immobilier dans l’hexagone avec une projection sur le risque de correction.
L’impact sur la maîtrise du risque et de la rentabilité pour les établissements bancaires
Tout d’abord rappelons que dans ce contexte de forte inflation nos structures bancaires subissent, comme tous les acteurs économiques, une érosion de leurs capitaux. La BCE prévoit effectivement une inflation de 6,8% sur 2022 alors que ses objectifs demeuraient à 2%. Les banques ont donc compensé cette érosion par une augmentation des taux d’octroi (TAEG) de leurs financements sur les deux premiers trimestres de 2022, portant ainsi le calcul des taux d’usure publiés par la Banque de France au mois de juillet à 2,60% pour les financements immobiliers de moins de 10 ans comme pour ceux émis jusqu’à 20 ans.
Les banques vont également devoir assumer un coût de refinancement plus important puisque le conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne a acté en juin 2022 une augmentation des taux interbancaires afin de maîtriser les pressions inflationnistes.
Il est donc prévisible que cette augmentation des taux (TAEG) d’octroi de crédits immobiliers se poursuive sur le second semestre 2022 comme sur une bonne partie de 2023.
Quels impacts pour les ménages ?
Dans ce contexte d’augmentation du coût de l’argent, il est évident que les ménages vont voir leurs possibilités de financement se contracter un peu plus. Rappelons qu’en 2021 les recommandations du Haut Conseil de Stabilité Financière qui encadraient déjà l’octroi des financements immobiliers sont devenues juridiquement contraignantes. En effet, un crédit immobilier ne peut plus dépasser 35% de taux d’effort, ni 25 ans de durée pour une acquisition dans l’ancien (et 27 ans pour de la construction). En limitant le taux d’effort comme la durée des crédits, le HCSF a pour objectif de sécuriser les encours bancaires, d’abord en optimisant l’analyse de solvabilité des emprunteurs et en maîtrisant l’impact d’une correction de la valeur des biens financés.
Malgré cette remontée significative, les taux d’octroi (TAEG) de crédits immobiliers restent attractifs au regard des taux pratiqués sur les dix dernières années. Nous pourrions donc, dans un premier temps, envisager un faible impact pour les ménages… Toutefois l’immobilier dans l’hexagone a subi une inflation d’environ 4,5% par an sur les 20 dernières années, une augmentation bien supérieure à l’évolution des niveaux de revenus des ménages français sur la même période. Le coût des biens est donc actuellement surévalué par rapport au pouvoir d’achat médian. L’augmentation des taux d’intérêt impactera forcément les ménages les plus fragiles qui peinaient déjà à pouvoir investir, malgré les taux excessivement bas de ces deux dernières années.
Quant aux ménages les plus aisés, leurs capacités de développement du patrimoine immobilier se trouvent contraints par les normes du HCSF qui limitent l’endettement à 35% quel que soit leur niveau de reste à vivre. La marge de flexibilité de 20% devant profiter en priorité à de l’acquisition de RP pour les primo accédants.
Cette augmentation du coût de l’argent associé aux normes HCSF va donc entraîner un ralentissement des transactions immobilières dans l’hexagone pour les ménages les plus fragiles comme pour les plus aisés.
Doit-on donc s’attendre à une correction de notre marché immobilier ?
Rappelons d’abord que le marché immobilier est extrêmement fragmenté en France. Il peut être segmenté en une multitude de sous marchés voir de micros marchés. Chaque segment dépendant de la nature du bien (neuf, ancien), de son utilisation (résidence principale, locative, secondaire ou encore immobilier de bureau) et évidemment de sa localisation. La demande étrangère comme l’attractivité de certains segments par rapport à d’autres rendent absurde une analyse globale, puisque la loi du marché est d’abord fondée sur l’offre et la demande.
Toutefois, si on additionne les paramètres suivants :
- La hausse des taux d’intérêt qui augmente le coût du financement,
- la conjoncture sanitaire qui génère encore une incertitude économique à moyen terme,
- et les événements géopolitiques et climatiques qui imposent une pression inflationniste sur nos matières premières de base et donc une pression supplémentaire sur le pouvoir d’achat dans l’UE,
On comprend alors bien qu’il y a une forte pression sur « la demande ». Et l’anticipation d’une correction globale, doublée d’un fléchissement des prix de l’immobilier même dans les villes les plus convoitées, devient tout à fait plausible, voire inévitable.
En conclusion, nos banques vont devoir intégrer ces projections dans leurs analyses de risques, privilégiant ainsi les dossiers affichant une Loan-to-Value (ou marge hypothécaire) suffisamment importante afin d’optimiser la résilience de leurs encours. Elles devraient donc renforcer leurs conditions d’octroi en privilégiant les dossiers de demandes de financement affichant un fort apport à l’opération ainsi qu’une bonne qualité et pérennité des revenus.
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