CSDD & Finance durable
Par Sébastien RISTORI
« Pour créer de la valeur, il faut avant tout être vert et durable »
La CSDD La Corporate Sustainability Due Diligence (CSDD) est une initiative législative de l’Union européenne visant à promouvoir des pratiques commerciales durables et responsables parmi les grandes entreprises. Proposée par la Commission européenne, cette directive oblige les entreprises à intégrer la durabilité dans leurs opérations et leurs chaînes de valeur. Elle introduit « le devoir de vigilance » qui existe déjà en droit français, afin de compléter la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
La directive vise à réduire les impacts négatifs de l’ensemble des activités de la chaîne de valeur des entreprises sur les droits humains et sur l’environnement. Elle encourage également une gouvernance d’entreprise responsable qui tient compte des impacts ESG dans la prise de décisions. Elle s’applique principalement aux grandes entreprises ayant des activités significatives dans l’Union européenne, de 450M€ de CA et de 1000 salariés, y compris les entreprises non européennes opérant sur les marchés européens. Les entreprises doivent effectuer une « diligence raisonnable » pour identifier, prévenir, atténuer et rendre compte des impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. Cela comprend l’évaluation des risques, la mise en place de politiques et de procédures adaptées, et la communication transparente sur leurs pratiques et sur leurs résultats. Dans ce sens, la directive responsabilise les sociétés soumises à la CSRD en obligeant à mettre en œuvre des actions correctives. Car si la CSRD est une obligation de rapportage, qui vient structurer les obligations de reporting depuis la DPEF autour de normes obligatoires, et cela malgré les audits des organismes tiers indépendants, l’obligation de mettre en œuvre des actions correctives n’est pas encore tout à fait effective : les problématiques de gouvernance ou d’éthique masquées chez Orpea ou Casino, les délais de paiement exagérément élevés de Veolia – et de bien d’autres – aux fournisseurs, ou encore les abus humains constatés chez des fournisseurs étrangers, par exemple, devront faire l’objet d’un recensement clair. Une fois ces impacts négatifs identifiés, l’entreprise devra prévenir et supprimer les impacts par des plans d’action clairs, vérifier et contrôler l’efficacité des mesures mises en œuvre et communiquer publiquement sur le devoir de vigilance. Les sociétés soumises à la CSDD sont aussi responsables des dommages causés par leurs activités. Il y a un coût supplémentaire : Celui de la vérification, de la prévention et de la réparation.
Mais alors, en quoi cette directive vient-elle soutenir les initiatives de la finance durable ? En bonne finance, pour créer de la valeur, il faut dégager des flux de trésorerie conséquents pour satisfaire les exigences de rentabilité des pourvoyeurs de fonds, et pour cela, dégager des rentabilités économiques supérieures au coût du capital. Pour réaliser cela, il va s’en dire qu’il faut conserver de bonnes relations avec l’ensemble des parties prenantes : Car, pour créer de la valeur, il faut tout d’abord réaliser du chiffre d’affaires et fidéliser des consommateurs de plus en plus en quête de sens dans leurs achats, fidéliser des talents pour les faire contribuer à la création de valeur comme salariés motivés, maintenir la confiance des prêteurs qui peuvent financer des projets à valeur actuelle nette positive et conserver la confiance de fournisseurs qui sont souvent des alliés stratégiques dans le développement d’une entreprise. La CSDD, bien que récemment retoquée pour être moins contraignante, ouvre la brèche du changement : rendre compte publiquement des résultats sur la résorption des impacts négatifs ! Si les banques sont progressivement soumises à l’obligation de structurer des financements durables pour des sociétés qui ont les meilleurs scores ESG, le consommateur et le salarié ont tendance à changer de comportement dès lors qu’une entreprise manque d’éthique ou de probité. Et la CSRD pourrait bien, à terme, imposer aux parties prenantes concernées d’une chaine de valeur à mettre en lumière les partenaires défaillants !
Est-ce que ce processus de changement pourrait être long ? Evidemment que oui ! Les détracteurs de la CSDD se justifient en arguant que la directive ne concernerait que les grosses sociétés de l’UE, éliminant ainsi toutes les autres sociétés dans le monde, et que ce seraient alors ces dernières qui subiraient seules les coûts de mises aux normes et de structuration en matière ESG, créant ainsi une distorsion déloyale de concurrence et de compétitivité. D’après eux, l’Europe seule ne parviendrait à rien, et tout cela serait donc inutile. Pourtant, il est nécessaire et urgent d’agir, plus que jamais ! L’Europe éclaire le chemin, progresse, et propose par ses initiatives aux autres pays des mécanismes similaires, pour ouvrir la voie du changement. Il n’y a désormais plus qu’une seule règle qui doit constituer le socle de la finance : pour créer de la valeur, il faut avant tout être vert et durable.
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